L’Oreiller de la belle Aurore.
Chef-d’œuvre bicentenaire de notre patrimoine gastronomique, cette spécialité lyonnaise consacre le triomphe de la cuisine classique dans la pérennité historique tandis que les émulsions contemporaines s’évanouissent comme une promesse électorale.
Mais au fait, qui est celle jolie Aurore ?
Curnonsky, le Prince des gastronomes et chroniqueur gastronomique s’en est fait le chantre dans plusieurs ouvrages, dont « la France gastronomique » (1921 Editions Rouff).
Mais c’est certainement Lucien Tendret, le neveu de Brillat-Savarin, qui en relate le premier la recette dans son ouvrage intitulé «La table au pays de Brillat Savarin»(1882). Il est vrai que ce pâté en croûte froid avait été imaginé par Brillat-Savarin (Jean-Anthelme – Gastronome 1755-1826, né à Belley dans l’Ain) pour sa mère Claudine Aurore Récamier. La forme carrée et le moelleux intérieur lui ont rapidement servi de nom: «L’Oreiller de la Belle Aurore».
Sa réalisation nécessite une quinzaine de viandes dont dix gibiers, sans oublier les farces (une par gibier), le foie gras, la volaille de Bresse AOC et bien sûr les truffes noires et locales du Tricastin et quelques pistaches pour la couleur.
Caille, pigeon, palombe, perdreau, grouse, volaille de Bresse AOC, canard mulard, faisan, colvert, lièvre, lapin de garenne, chevreuil, biche, marcassin, foie gras, ris de veau, truffes du Tricastin, ainsi que des farces diverses…)
Inutile de vous dire que modeler la farce de ce pâté selon un plan de montage aussi précis que rigoureux n’est pas une mince affaire. L’idée étant de voir, à la coupe, chaque viande farcie indépendantes les unes des autres.
Mentionnons le commentaire de Lucien Trendet qui ne peut qu’éveiller tous vos sens: « Lorsqu’on coupe l’oreiller de la belle Aurore, le parfum des truffes noires, mêlé au fumet des viandes, embaume la salle à manger. Les tranches tombant sous le couteau présentent l’aspect d’une mosaïque de couleurs vives et variées et sont imprégnées des sucs d’une gelée vineuse couleur d’or. La croûte, toute pénétrée d’un mélange onctueux de beurre frais et de foies de volailles, est tendre sous la dent et fondante dans la bouche. ».
« Celui que Paul Bocuse sert dans son auberge de Collonges au Mont d’Or est un moment d’anthologie, un tableau aromatique assorti d’un joyau saucier. Le phénomène mérite que l’on fasse le pèlerinage une fois dans sa vie pour ne jamais l’oublier.. »